La quête d’Ejyka

Ejyka progressait au fond de la grotte, entre les stalagmites et les mares d’eau glaciale. Elle était à plusieurs jours de la plus proche forteresse naine, celle qui l’avait vu naître, et qu’elle avait quitté sans regrets quelques trente années auparavant, avant d’y revenir récemment à la faveur de ses découvertes à la surface.

Soupir.

« Encore une galerie … Et toujours pas de marques de piste. J’espère qu’il reste quelques indications, sinon la recherche va être longue … »

Plus tard, alors qu’elle sortait de la -longue- galerie pour entrer dans une nouvelle caverne, Ejyka s’immobilisa. A sa vision, empiétant largement dans l’infrarouge comme tous les nains, la nouvelle grotte était baignée d’une multitude de lueurs qui l’empêchait de distinguer les détails.

Soupir.

« Et maintenant une forêt de champignons … Bon, il est temps de sortir la lanterne. »

Elle recula dans la galerie, trouva la lanterne et la fiole d’huile dans sa sac à dos, et se mit en devoir de l’allumer.

De retour dans la caverne aux champignons, elle voyait maintenant des détails qu’elle ne remarquait pas dans l’infrarouge – au prix d’une distraction par la multitude de couleurs révélées par sa lanterne. Des champignons couvraient littéralement la caverne, certain plus grands qu’elle, certains aussi petits que du gravier sous ses pieds, et d’autres, de toutes les tailles et de toutes les couleurs au milieu. Même les murs de la caverne étaient recouverts de lichen multicolore, qui se mit à chatoyer quand la lumière et la chaleur de la lanterne les effleura. Ejyka se saisit de sa hache, et se mit à progresser prudemment dans la forêt, lieu rêvé pour une embuscade.

Elle progressait maintenant dans une sorte de sentier. Fait par un prédateur, attiré par la richesse de la jungle, ou traces d’une ancienne route ? La progression était maintenant plus rapide, même si elle était attentive aux moindres traces sur le chemin ; mais celui-ci semblait inutilisé depuis longtemps. Une ancienne route naine, protégée de la prolifération des champignons ? Elle commençait à perdre espoir lorsqu’elle arriva en vue de la paroi de la caverne, pourvue d’une grande ouverture. Ici, les champignons ne s’approchaient pas de l’ouverture, mais la forêt s’arrêtait à plusieurs mètres du passage. Même les blocs de pierre éparts -restes d’une porte brisée longtemps auparavant ? – n’abritaient pas le moindre lichen ou le plus petit chapeau arrondi. Passant la porte, Ejyka découvrit ce qui semblait être une immense caverne, la lumière de sa lanterne se réverbérant dans des cristaux ingénieusement placés à côté de la porte. Son cœur battant plus vite, elle posa la lanterne dans un des postes de gardes, et la grotte s’illumina véritablement, se réverbérant de cristal en cristal, astucieusement placés par certains de ses ancêtres.

« Enfin ! », songea-telle

« Mais ce n’est pas une raison de se reposer sur ses lauriers … Et je n’aime pas le froid qu’il fait. »

Maintenant que la grottes était éclairée, elle voyait des plaques de glace orner certaines des ruines. Au fond, surélevé par rapport à sa position, se découpait ce qui ne pouvait être que l’ouverture du temple qu’elle cherchait. Pour y parvenir, en revanche, il fallait d’abord traverser une zone de bâtiments en ruine, réduits à l’état des gravats entre les quelques pans de murs encore debout, puis un précipice, au moyen d’un seul étroit pont. Hache à la main, Ejyka s’avança prudemment vers le pont, frissonnant du froid intense, inhabituel dans ce royaume souterrain.

Soudain, un profond battement se fit entendre, et Ejyka plongea derrière le pan de mur le plus proche, alors qu’un déluge de grêle et de glace se déversait à l’endroit où elle se trouvait l’instant d’avant. Faisant le tour du mur, elle se risqua à regarder derrière elle et vit un grand dragon, blanc de neige, qui se posait là où son souffle s’était abattu quelques instants plus tôt.

« Et merde ! Un dragon … », soupira-t-elle, avant de se plaquer au sol pour éviter la queue du reptile qui fracassa le mur. Tout en jurant, elle se précipita vers un autre abri, tout en essayant de trouver une solution, soit pour se débarrasser de son adversaire, soit pour simplement, survivre.

Ayant trouvé une ancienne guérite, et s’y embusqua, pendant que le dragon allait détruire le support de sa lanterne, coupant du même coup toute la lumière dans la caverne. Elle se terra encore plus, le temps que sa vision s’accoutume au spectre infrarouge. Enfin, elle put regarder, au dehors de sa cachette, et repéra tout de suite son adversaire, tout prêt d’elle. Par dessus le froid sombre des murs, il était d’une noirceur absolue de glace.

« Qu’une seule chance … » pensa-t-elle, en s’élançant vers le cou du reptile, et en préparant un coup de hache désespéré.

Malheureusement pour elle, le coup ricocha sur les écailles du monstre, et un coup de patte puissant la fit voler en arrière, atterrissant sur une structure un peu mieux conservée que les autres.

« Ouch … »

Elle regarda autour d’elle : elle était tombé au milieu des ruines d’une petite tour, défense avancée, mais manifestement inutilisée lorsque la cité a été évacuée. Autour d’elle, des armes, quelques traces de meubles vermoulus, et … Une baliste ? Celle-ci était encore chargée, et semblait encore en état de fonctionner malgré tout ce temps. Se relevant douloureusement, elle l’inspecta et la trouva effectivement en bon état, ses mains passant sur les mécanismes sans y trouver de trace de corrosion ou de déformation. Saisissant son courage à deux mains, elle poussa un grand cri et attendit le dragon. Celui-ci, qui la cherchait au hasard en détruisant des murs dans la cité, s’approcha rapidement vers la source du cri.

« Encore un petit peu … Là, oui c’est bon ! » s’écria-t-elle en déclenchant le mécanisme, alors que le dragon inspirait profondément pour pouvoir utiliser son souffle dévastateur. L’inspiration fut brutalement interrompue par une bruit sourd, suivi d’un grand cri et d’un bruit de chute.

Sortant prudemment de son abri, elle remarqua que la forme du dragon avait encore quelques spasmes qui s’espaçaient rapidement. Étrangement, le carreau semblait s’assombrir rapidement alors que lecadavre du dragon s’estompait en se réchauffant, comme si le carreau drainait le froid …

Ejyka s’éloigna du cadavre, et repris sa marche vers le pont sans autre encombre. Elle le traversa rapidement, puis s’éloigna du précipice pour arriver devant l’ouverture au fond de la caverne. La franchissant, elle s’illumina automatiquement, comme d’usage pour les chefs-d’œuvre de ses ancêtres nains. Inspirant profondément, impressionnée par al majesté des lieux, elle s’enfonça dans un des temples les plus sacrés de son clan.

« Waouh  ! Et si le temple est encore dans un tel état, j’espère que le reliquaire est toujours là … »